La trilogie fantastique écrite par Sally Green « Les voleurs de fumée » est sortie en 2021. Elle est classée « young adult » étant donné l’âge des personnages principaux, entre l’adolescence et le tout début de la majorité.
Il y a beaucoup de choses bien dans cette histoire, si ce n'est tout (oui, j'ai aimé). Entre autres, la question de l'émancipation des femmes est abordée d'une façon plutôt intéressante.
Parmi tous les bons personnages de cette série, il y a Catherine. Catherine est une princesse, la seule fille de son adelphie. En dépit de son statut, tout, absolument tout lui est interdit. Elle n'a pas le droit de s'éduquer, elle n'a pas le droit de se déplacer seule, elle n'a même pas le droit de sortir de son château. Son interdiction de s'adresser à un homme est telle que les femmes de son pays ont développé un langage des signes pour pouvoir communiquer silencieusement en leur présence. Dès l'instant où les hommes de sa famille décident qu'elle doit ou ne doit pas faire quelque chose, elle doit s'y plier, quelle que soit son opinion à ce sujet.
C'est donc un personnage qui part de très loin sur le chemin de la liberté.
Heureusement, par un miracle que je ne m'explique pas, Catherine a développé une certaine liberté d'esprit, qui va se développer et se manifester de plus en plus au fil de l'histoire. Ça commence plutôt doucement.
D'abord, elle reprend le contrôle de son apparence. Elle abandonne les vêtements très sages et contraignants de son pays d'origine lorsqu'elle est envoyée dans le pays voisin pour se marier (sans lui demander son avis d'ailleurs). En maitrisant ses tenues vestimentaires, elle reprend également le contrôle de son image : de princesse d'un pays voisin, elle devient femme du pays où elle va vivre le reste de sa vie. Elle acquiert même une popularité qu'une femme de son éducation et de son rang n'est pas censée avoir.
Puis, elle choisit par elle-même de changer d'allégeance. Quand elle découvre que son père utilise son mariage pour attaquer le pays où elle est censée vivre, elle choisit de prévenir son futur époux. Par ce geste, elle tourne définitivement le dos à son éducation, à ce carcan dans lequel elle a vécu pour embrasser une nouvelle liberté : celle de penser et d'agir par elle-même.
Ceci dit, son pays d'adoption n'est pas exempt de défauts, et elle va devoir s'opposer au machisme qui y sévit. Par exemple, elle décide de présider un procès alors qu'aucune femme ne l'a fait avant elle. Lorsque son fiancé disparaît de la circulation, elle fait en sorte de devenir la dirigeante de fait de son pays et de la guerre en cours. Là encore, elle continue de contrôler sa propre image, en se présentant aux troupes vêtues d'une armure alors que la guerre gronde, ce qu'aucune femme n'avait fait avant elle. Elle ira même jusqu'à se battre sur le champ de bataille (même si les circonstances l'ont forcée à s'y rendre) et à y accomplir un fait d'armes déterminant pour la suite.
Catherine, qui commence l'histoire par un mariage arrangé, va également reprendre le contrôle de sa vie amoureuse dans le sens où elle va faire un choix, mue par ses propres sentiments et non par le devoir qui lui a été inculqué. Elle va faire ce choix en prenant en compte uniquement l'amour qu'elle ressent pour un homme, sans mettre dans la balance ce qu'elle pense devoir à un autre. Son cœur, elle le donne à celui qu'elle aime, en toute liberté de pensée.
Dans cette histoire, Catherine est la pionnière d'une libération de la femme, autant pour son pays d'origine que pour son pays d'adoption. J'ai envie de croire que même après la fin de cette histoire, elle continuera à œuvrer dans ce sens, pour elle-même et pour les femmes de ses deux pays.
C’est une évolution fulgurante au sein d’un monde profondément patriarcal, où les femmes sont la propriété des hommes, ou les hommes décident de tout pour elle (y compris qui a le droit d’entre leur voix) et d’autres choses encore qui nous rappellent furieusement le monde réel. Catherine, personnage de fiction, a le luxe de changer sa vie tout entière sans risquer le pire. C’est le genre de modèle féminin qu’il est agréable de retrouver dans les romans young adult, ceux qui montrent aux lecteurs et aux lectrices tout ce dont une femme est capable, tout ce qu’elle est en droit d’avoir, tout ce qu’elle doit arracher au monde qui l’entoure malgré ceux qui préféreraient la voir morte plutôt que la laisser jouir des mêmes droits qu’eux.